Daphni

Des abeilles à Dubaï - la tribune de Pierre-Eric Leibovici et Damien Didier

« La biodiversité est un moteur essentiel de la croissance économique »

par Pierre-Eric Leibovici et Damien Didier

[🇫🇷 French version]

« La biodiversité est un moteur essentiel de la croissance économique »

A quelques jours de la COP28 qui se tiendra cette fois à Dubaï, au milieu des polémiques – légitimes – sur les tractations émiraties pour les énergies fossiles, ou sur la pertinence de tenir cet événement mondial dans un pays qui cache ses émissions de méthane, il est important de recentrer le débat sur une grande oubliée de l’écologie : la biodiversité. Cachée derrière le terme générique de “nature”, la biodiversité ne sera pas reconnue à sa juste valeur. Or 70% des populations d’animaux sauvages vertébrés ont disparu en moins de cinquante ans !

Deux raisons majeures doivent nous pousser, pour un avenir durable et souverain, à mettre la biodiversité au centre de l’agenda de l’investissement français et européen.

La préservation de la biodiversité est en réalité un enjeu économique majeur

1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction d’après l’IPBES, le GIEC de la biodiversité. Un réel désastre lorsqu’on sait que la nature fournit des biens communs essentiels à l’économie, tels que l’eau, la nourriture, le bois ou encore la pollinisation. A titre d’exemple, l’agriculture est directement dépendante de la biodiversité. Les pollinisateurs, comme les abeilles, sont essentiels à la reproduction des plantes cultivées. Les forêts, quant à elles, jouent un rôle important dans la régulation du climat et la protection des sols. Ces éléments parmi tant d’autres sujets de matières premières et de régénération du vivant, sont au cœur des mécaniques les plus essentielles de notre industrie, de notre alimentation. La biodiversité est donc un moteur essentiel de la croissance économique.

Les entreprises peuvent jouer un rôle pionnier dans la protection et la préservatio de la biodiversité

Les entreprises françaises en particulier ont une carte à jouer. Parce que la France elle-même est riche d’une biodiversité unique et qu’elle en a conscience – la publication ce lundi de la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 (SNB) traduit sa volonté d’engagement. Aussi parce que c’est un nouveau patriotisme économique français que de défendre la préservation de la biodiversité à l’international. Les grandes multinationales françaises, et plus globalement toutes les entreprises qui opèrent à l’international, quand elles intègrent à leur modèle d’affaires la préservation de la biodiversité, montrent l’exemple en préservant les écosystèmes locaux.

Nos entrepreneurs sont essentiels à cette juste et nécessaire transition. Car tant la réglementation que la nécessité vont rendre de plus en plus prioritaires la mesure et la quantification de l’impact des activités économiques sur la biodiversité. De la même manière que l’impact carbone des entreprises est devenu central dans leur évaluation RSE, l’impact biodiversité est amené à l’être aussi, cette fois en prenant davantage en compte les particularités locales et les spécificités des territoires. Pour que les entreprises transitionnent, elles auront d’abord besoin de comprendre concrètement l’impact qu’elles ont, et de poser le bilan de leur dépendance à la biodiversité locale. Pour elles, c’est un investissement tant durable que rentable : cela améliorera leur performance économique, leur fera gagner en attractivité, sera source d’inspiration. A cet égard, le biomimétisme est à l’origine de nombreuses innovations à l’instar du velcro par exemple ou des termitières pour les mécanismes de refroidissement.

La mise en application prochaine de la CSRD va très certainement rebattre les cartes : ne pas en faire un chapitre central de la COP 28 serait une erreur d’évaluation grave.

Tribune publiée par L’Opinion

[🇬🇧 English version]

Bees in Dubaï

« Biodiversity is an essential driver of economic growth »

A few days before COP28, which will be held this time in Dubai, amidst legitimate controversies over the Emirates’ dealings with fossil fuels or the relevance of hosting this global event in a country that conceals its methane emissions, it seems important to refocus the debate on a major overlooked aspect of ecology: biodiversity. Hidden behind the generic term “nature,” biodiversity may not be recognized to its true value. Yet, 70% of populations of wild vertebrate animals have disappeared in less than fifty years!

Two major reasons should drive us, for a sustainable and sovereign future, to place biodiversity at the center of the French and European investment agenda.

The preservation of biodiversity is, in reality, a major economic issue

According to the IPBES, the IPCC of biodiversity, 1 million animal and plant species are currently threatened with extinction. This is a real disaster when we consider that nature provides essential common goods to the economy, such as water, food, wood, and pollination. For example, agriculture is directly dependent on biodiversity. Pollinators, such as bees, are essential for the reproduction of cultivated plants. Forests, in return, play a crucial role in climate regulation and soil protection. These elements, among many others related to raw materials and the regeneration of living organisms, are at the heart of the most essential mechanics of our industry and our food supply. Biodiversity is therefore a crucial driver of economic growth.

Companies can play a key role in the protection and preservation of biodiversity

French companies, in particular, have a role to play because France has itself a unique biodiversity and is aware of it. The publication of the National Biodiversity Strategy 2030 (SNB) last Monday reflects its commitment. It is also a new economic patriotism for France to defend the preservation of biodiversity internationally. Large French multinationals, and more generally, all french companies operating abroad, when they integrate biodiversity preservation into their business models, set an example by preserving local ecosystems.

Our entrepreneurs are essential to this transition. Both regulation and the necessity will increasingly prioritize measuring and quantifying the impact of economic activities on biodiversity. Just as the carbon impact of companies has become central to their CSR evaluation, biodiversity impact is also expected to be, this time taking into account local specificities and territory characteristics. For companies to make the transition, they will first need to understand concretely the impact they have and assess their dependence on local biodiversity. For them, it is an investment that is both sustainable and profitable: it will improve their economic performance, make them more attractive, and be a source of inspiration. In this regard, biomimicry has led to numerous innovations, such as velcro or termite mounds for cooling mechanisms.

The upcoming implementation of the CSRD will undoubtedly change the game: not making it a central chapter of COP 28 would be a serious evaluation mistake.

Published in L’Opinion